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Le Grand Quand d'Alan Moore : Univers prometteur qui n'exploite pas son plein potentiel !

Londres, 1949. Jeune homme désargenté, Dennis Knuckleyard vit et travaille dans une librairie d'occasion. Bien qu'aspirant écrivain, il mène une existence passablement ordinaire. Jusqu'au jour où sa patronne l'envoie chercher des livres rares chez un étrange bibliophile paranoïaque. Dennis comprend que l'un d'eux, Une promenade dans Londres, par le Révérend Thomas Hampole, n'existe pas : il s'agit d'un texte imaginaire figurant dans un roman, réel celui-ci, écrit par un autre auteur. Si Hampole et son ouvrage sont inventés, comment ont-ils pu se retrouver entre les mains de Dennis ?
Dennis découvre alors qu'ils proviennent de l'autre Londres, le Grand Quand, une version de la ville située au-delà du Temps où tous les aspects de son histoire, depuis ses origines jusqu'à sa disparition, se manifestent. Là, les époques se mélangent, les réalités et les irréalités se fondent, et des notions telles que le Crime et la Poésie s'incarnent en des êtres terrifiants et merveilleux. Et si Dennis ne rapporte pas le livre dans cet autre Londres, c'est la mort qui l'attend.
Ainsi débute son périple dans l'autre Londres. Afin de restituer le livre irréel, Dennis doit plonger dans les bas-fonds occultes de la ville, où il va rencontrer une tribu excentrique de sorciers et de gangsters, ainsi que Grace Shilling, une prostituée qui accepte de l'aider ; le prince Monolulu, un célèbre pronostiqueur hippique prétendant être un prince abyssinien ; ou encore Jack Spot, un truand impitoyable cherchant à s'assurer le contrôle de la pègre. Mais en pénétrant dans le Grand Quand, Dennis se retrouve au coeur d'une série d'événements explosifs, qui risquent de changer à jamais les deux Londres...

Date de parution : 2024
Genre : Urban Fantasy
Nombre de pages : 384 pages
Traducteur : Christophe Claro
Nationalité : Brittanique

Le Grand Quand d'Alan Moore : Univers prometteur qui n'exploite pas son plein potentiel !

Univers prometteur

Le Grand Quand possède une proposition originale pour son univers, celui d'un autre Londres (appelé Le Grand Quand) où les concepts tel que la Criminalité ou la Poésie prennent formes et où toutes les époques de la ville se superposent. La promesse est tenue et chaque excursion dans cette autre ville est un voyage de l'étrange, de l'ésotérisme. On se prend au jeu de découvrir de nouveaux éléments improbable à chaque excursion du personnage principal, Dennis, dans ce lieu. On a clairement envie d'en savoir plus et d'y passer plus de temps. 
Le Londres bien réel n'est pas inintéressant, au contraire. La description qu'en fait Alan Moore sort de l'ordinaire et des poncifs du genre. Londres, toujours présenté comme un grand centre intellectuel fait de lords et de gentes dames avec des voyous gentlemen tels les Peaky Blinders, n'a absolument pas droit à ce genre de représentation. Ce n'est pas ce qui intéresse Alan Moore, il déteste à juste titre toute cette classe sociale, ce qu'il veut présenter ce sont les marginaux de la société, la réalité pure et dure de la misère et de la difficulté, mais sans jamais tombé dans le misérabilisme. Il y a un véritable amour qui se dégage pour cette classe sociale et toujours la volonté de la présenter dans son intégrité. Autre élément qui parcourt le Londres de ce roman, c'est la torpeur qui imprègne la ville, espèce de spleen général suite à la Seconde Guerre Mondiale. Le peuple vit dans une certaine misère, mais on ressent une fatigue général et la perte de l'envie de combattre le pouvoir, dans une sorte d'acceptation après les horreurs de la Guerre. Une pensée jamais formulé frontalement par l'auteur, mais qui se dégage des très nombreuses descriptions qui parsèment le récit. Dans cette marginalité, le roman nous fait rencontrer une pléthore de personnages, tous hauts en couleurs et fortement appréciable. Ce sont eux qui incarnent la sincérité, l'intégrité et le véritable soucis des autres. La galerie est assez variée : passant d'un artiste vivant dans une cave, une prostituée ou encore un pronostiqueur hippique qui se fait passer pour un prince. Ils sont tous attachants à leur façon et on est toujours content de les voir apparaître dans le récit. 

Univers sous exploité

Si toutes les bases sont prometteuses et l'univers intriguant, un sentiment s'impose à la lecture du Grand Quand la sensation d'insatisfaction. Tout semble très inexploité, comme si on avait eu une très longue introduction sans jamais ressentir une véritable envolée du récit. 
On passe trop peu de temps dans le Grand Quand pour en ressentir le sentiment de satisfaction d'un monde exploré. Les passages de Dennis dans cet univers sont peu nombreux, assez rapides et l'étrangeté du lieu mériterait qu'on s'y attarde plus. Le scénario en lui-même ressemble à un prétexte pour présenter l'univers et les personnages qui gravitent autour de Dennis. La problématique qui est posée par ce livre qui ne devrait pas être dans notre réalité se résout très aisément, sans même que Dennis ne fasse grand chose puisque ce sont les autres personnages qui font avancer son aventure, connaissant parfaitement le monde ésotérique et comment résoudre la problématique. En cela la quatrième couverture est assez menteuse puisque la série d'événements explosifs entre les deux Londres n'existent tout simplement pas. Il est vaguement mentionné que quelque chose peut arriver si le livre n'est pas restitué, mais on ne sait jamais véritablement quoi et si c'est une catastrophe d'ampleur ou simplement la mort de Dennis. Finalement, les seuls véritables moments dangereux sont ceux qui sont évoqués dans l'histoire des deux Londres comme quand on nous explique que Jack l'Eventreur était en réalité une créature échappée de cette autre Londres. Autre élément qui est un peu étrange dans la construction du récit, sur la fin Dennis se retrouve avec une clef provenant du Grand Quand et j'ai pensé que ça serait un élément pour amorcer un second tome, qui aurait amoindri certains défauts, mais il n'en est rien parce que le dernier chapitre nous révèle très clairement que cette clef est restée en possession de Dennis toute sa vie, sans véritable conséquence. Alors pourquoi l'avoir introduit dans le récit ? Ne casse-t-elle pas la logique de l'univers qui dit que les éléments du Grand Quand doivent rester dans cet univers sinon quelque chose d'horrible se produira ? Des questions auxquelles je n'ai évidemment pas les réponses. 
Enfin, sur les points plus faibles du roman, il faut évoquer le cas de Dennis. Il est l'incarnation même de ce spleen post Seconde Guerre Mondiale qui s'abat sur Londres et ses habitants. Il est passif, sans aucun objectif de vie, si ce n'est de vivre jour après jour, et sans aucun esprit de combativité. J'avais pensé que son parcours initiatique serait de reprendre en main sa volonté et sa combativité, assisté à un grand réveil mental du personnage, et pas du tout. De manière générale, le personnage n'évolue pas et il est donc difficile de ressentir un très grand attachement pour ce dernier. Alors attention, le personnage n'est pas inintéressant et il est appréciable sous certains aspects, mais il n'incarne pas un réel moteur à la lecture au contraire des personnages qui l'entourent. 

Quelques précautions

Je conclue cet avis avec quelques précautions concernant certains points que j'évoque et avec la lecture même du Grand Quand.
La page de titre du roman indique très exactement "Le Grand Quand. Long London - tome 1", il est donc possible que la sous exploitation de l'univers soit dû qu'on soit dans un tome 1 d'une saga et dans ce cas certains points faibles sont à atténuer. Néanmoins, cela n'enlèverait pas la sensation d'une très longue introduction à l'univers et le sentiment d'insatisfaction qui peut se dégager de la lecture de ce roman. 
La deuxième précaution est que le style d'écriture d'Alan Moore est parfois très soutenue et très référencée. Alors je ne doute pas que pour des anglais et plus particulièrement des Londoniens nombre des références qu'il utilise dans les très nombreuses descriptions et métaphores qui ponctuent le récit résonnent claire comme de l'eau de roche. Cependant pour le petit français que je suis et qui n'a jamais mis les pieds à Londres, il a été bien difficile de bien comprendre à chaque fois ce qu'il voulait dire. J'ai donc passé beaucoup de temps à faire des recherches en parallèle de ma lecture. De même le vocabulaire de l'auteur est parfois très soutenue, et je pense avoir un plutôt bon vocabulaire, mais j'ai dû aller chercher à plusieurs reprises des définitions de concepts et de mots. Alan Moore adore les longues phrases, la lecture du Grand Quand demande donc une attention importante, et alors que normalement ça me dérange pas, j'ai dû faire en sorte de faire mes sessions de lecture dans des endroits calmes afin de pouvoir suivre l'histoire. En tout cas, bravo à la personne chargée de la traduction parce que le travail a dû être pas mal complexe pour rendre la version française la plus fidèle possible à l'originale tout en conservant une très grande fluidité de lecture. 

Le Grand Quand d'Alan Moore : Univers prometteur qui n'exploite pas son plein potentiel !

En conclusion, Le Grand Quand est un récit qui propose un univers prometteur et un très bel intérêt pour la société marginale de Londres dans une ère post Seconde Guerre Mondiale. Néanmoins, on ressort de la lecture avec une sensation d'insatisfaction du fait de la sous-exploitation de celui-ci et d'un scénario qui est presque un prétexte pour une plongée documentaire de Londres au-delà des clichés habituels de la ville. Une lecture qui se le laisse tenter pour apprécier l'inventivité de l'auteur et son amour de la marginalité. 

Ma note : Bien !

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