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Blog où je vous donne mon avis sur des films, des séries, des livres et des jeux vidéo. N'hésitez pas à réagir et à partager votre opinion dans le respect de tous bien sûr.

Les Cités des Anciens Tome 1 & 2 de Robin Hobb : Les bases d'une nouvelle émancipation féminine !

Tome 1 : Dragons et serpents
Dans le Désert des Pluies, les serpents géants se sont enfermés dans leurs cocons, sous la supervision de la dragonne Tintaglia, pour en émerger, transformés à leur tour en dragons, et assurer la pérennité de leur race. Mais, trop vieux, trop affaiblis, ils ne donnent que des créatures difformes, inachevées, incapables de survivre seules sans l'aide des humains, qu'ils mettent tant à contribution pour les nourrir que les Marchands du Désert des Pluies décident de s'en débarrasser ... Autour d'eux gravitent Thymara, jeune fille aux mains et aux pieds griffus et palmés, que ses parents n'auraient jamais dû laisser vivre et Alise, tiraillée entre un époux qui la délaisse et la méprise, et sa passion des dragons.

Tome 2 : Les eaux acides
Le grand jour se profile : Alise comme Thymara vont enfin se trouver face aux dragons, l'une pour assouvir sa soif de connaissance, l'autre pour les conduire, avec un groupe de jeunes gens comme elle, jusqu'à la légendaire cité des Anciens, Kelsingra. Ce qu'elles ignorent, c'est que cette rencontre changera leur existence. Alise va faire un choix qui met en péril sa réputation et son mariage. Thymara, elle, devra peu à peu remettre en cause les règles qui régissent sa vie depuis sa naissance. Toutes deux apprennent à se connaître face à des adversaires qui habitent parfois au fond d'eux-mêmes.

Deux couvertures réussies par Steve Stone !
Deux couvertures réussies par Steve Stone !

Deux couvertures réussies par Steve Stone !

La saga de La Cité des Anciens se déroule dans le même univers que celles de l'Assassin Royal et Les Aventuriers de la Mer. On peut même la définir comme une suite directe des Aventuriers de la Mer, même s'il est plutôt conseillé d'avoir lu le deuxième cycle de l'Assassin Royal qui a quelques conséquences importantes et directes sur le déclenchement de l'histoire. Une filiation avec les Aventuriers de la Mer par la récurrence de personnages importants, mais aussi d'une thématique centrale : l'émancipation féminine. 

Avant d'évoquer cette thématique, donnons déjà mon ressenti sur l'histoire en elle-même. Comme tout début d'un cycle pensé en plusieurs tomes, l'histoire met du temps à démarrer, mettant en place progressivement ses personnages, leurs environnements et l'objectif principal de l'aventure. Comme pour les Aventuriers de la Mer, Robin Hobb découpe son récit en plusieurs points de vue. Trois principaux : Alise, Thymara et Sintara la dragonne ; et deux secondaires : Sédric et Leftrin qui accompagnent Alise. Ce qui amène donc différentes visions des événements et différents environnements, même si pour le coup a contrario des Aventuriers de la Mer, les personnages se rejoignent extrêmement vite. Cela se produit à la moitié du deuxième tome français. A voir comment cela va être géré par l'autrice dans la suite et si les différents points de vue garderont toujours un intérêt même si les personnages sont rassemblés. Ce qui était intéressant avec les Aventuriers de la Mer c'est qu'on vivait réellement trois, voir quatre aventures différentes toutes reliées par des intérêts communs ou des personnages. Est-ce que cela fonctionnera aussi bien si les différents point de vue sont tous au même endroit vivant la même aventure ? La réponse se dessinera dans les tomes suivants. 
En tout cas, ce qui n'a pas changé c'est le talent de Robin Hobb à mettre en place son univers et les relations entre les personnages. Ce premier tome nous permet entre autres d'en apprendre un peu plus sur l'organisation sociétale des habitants du Désert des Pluies, notamment dans les castes inférieures qui étaient jusque là assez invisibles. De manière générale, le déroulé scénaristique de cette première partie de cycle est très classique, mais toujours prenant et bien écrit, même si je dois bien avouer avoir eu du mal au début à rentrer dedans. La faute peut-être à la liste de personnages au début du livre qui laissaient sous-entendre qu'il allait y avoir une multitude de noms à retenir et qui m'a conditionné à essayer d'être plus analytique dans ma lecture. Alors que l'écriture de Robin Hobb de par sa fluidité naturelle m'a imprégné de l'histoire, de ses personnages, de leurs relations, une fois que j'ai arrêté d'essayer de faire mentalement des fiches de personnages pour me laisser porter par le récit. 
Pour en terminer sur le récit en lui-même, plusieurs personnages des Aventuriers de la Mer font une apparition dans cette première partie. Apparition qui n'est jamais forcée et semble à chaque fois d'une logique implacable. Cet aspect est très bien maîtrisé, comme cela a toujours été le cas dans les autres cycles. D'autant plus qu'au-delà de faire du fan service, Robin Hobb par cet intermédiaire nous montre que le monde qu'elle a créé a continué à évoluer et les personnages aussi, rendant les mots plus vivants encore. 

Maintenant parlons donc des personnages et de la thématique de l'émancipation féminine. Déjà vous l'avez remarqué, les trois points de vues principaux sont ceux de trois femmes. Tout comme les Aventuriers de la Mer, la Cité des Anciens se dessine comme étant essentiellement une aventure féminine. Une aventure de femmes qui vont se libérer de leur société et/ou d'un système oppressant et dictant leur conduite. Exception faite peut-être de Sintara qui évolue déjà dans une société où les dragonnes ont le pouvoir ou en tout cas possède une importance certaine dans la société draconique. Sintara par bien des aspects fait penser à Tintaglia et cette première partie du cycle n'a pas laissé entrapercevoir de pistes d'évolution différente de sa part. Le personnage est sympathique tant elle est la représentation incarnée des dragons dans l'univers de Robin Hobb, mais peu de choses ont pour l'instant été dévoilée sur ses perspectives futures et évolutions potentielles.
Ce qui n'est pas le cas de Thymara et Alise qui, elles, sont bien des femmes qui vont devoir évoluer dans un milieu patriarcal et tenter de s'en extirper. 

Thymara tout d'abord qui de base est une marginale dans la société du Désert des Pluies à cause de ses mutations provoquées par la magie des Anciens et qui étaient bien plus importantes que la norme à sa naissance. Elle aurait dû être abandonnée à la forêt à sa naissance, mais son père l'a sauvé contre les traditions et élevé avec amour. Ce qui n'est pas du tout le cas de sa mère qui est un immonde personnage, très réussi dans son écriture, mais qui m'a donné des envies de meurtres lors de son apparition. Déjà par le biais de Thymara, Robin Hobb nous parle d'un racisme qui serait systémique à toute société. Puisque tous les habitants du Désert des Pluies possèdent des mutations, sont eux-mêmes rejetés par toutes les autres sociétés, mais arrivent quand même à rejeter et tuer pour les mêmes raisons des membres de leur propre peuple. Situation ironique et très cynique. Mais où est le patriarcat là-dedans ? Il arrive au début de la réelle aventure de Thymara qui acceptant d'accompagner les dragons dans leur périple va rejoindre un groupe de jeunes exclus de la société comme elle. Chacun cherchant à trouver enfin sa place dans une famille, une mini-société ou simplement à survivre collectivement. On voit donc une mini-société naître et prendre forme, on voit aussi la reproduction des comportements de dominants/dominés et du patriarcat, notamment autour d'un personnage de ce groupe en particulier. Personnage qui tente de prendre le pouvoir de manière individuelle, par la force, l'humiliation, le rejet, le harcèlement. Une scène en particulier m'a marqué où Thymara se retrouve seule avec ce personnage, elle y ressent des émotions et réagit comme une femme d'aujourd'hui confrontée face à un homme de pouvoir qui tente de l'intimider et se sent puissant par un sentiment d'impunité. La scène est admirablement écrite. Donc pour la suite, on peut s'attendre à voir comment Thymara va évoluer dans cette mini-société qui se crée et comment elle pourrait potentiellement y apporter des changements.
Le deuxième personnage féminin à s'émanciper est celui d'Alise, une fille d'une famille Marchande de Terrilville. Une femme qui était destinée à l'exclusion puisqu'elle n'était pas mariée à un certain âge admis comme convenable par la société des Marchands. Ce qui est déjà assez révélateur sur le côté patriarcal de la société Marchande, mais cela dit c'est un point qui a déjà été très bien explorée par l'autrice dans les Aventuriers de la Mer à travers les femmes de la famille Vestrit. Ce n'est donc pas sur cet aspect que va se concentrer le récit d'Alise, qui par ce qui semble au premier abord un heureux événement, arrive à conclure un avantageux contrat de mariage. Mariage qui va permettre à Robin Hobb de parler de la violence conjugale sur un très large spectre avec parfois des scènes très courtes, d'une ou deux phrases, mais d'une violence froide. L'autrice arrive à imprégner le lecteur de la douleur ressentie par Alise et à la décrire d'une manière extrêmement juste. Mais le personnage d'Alise ne permet pas que d'aborder cette thématique, mais aussi celui du métier non destiné à un genre biologique. D'une certaine manière, le personnage me fait penser à Marie Curie par exemple. Elle essaye d'entreprendre des choses pour prouver qu'elle est une scientifique tout à fait sérieuse, mais aussi et surtout s'en convaincre soi-même. Ce qui rend le personnage attachant malgré ses très nombreuses hésitations et sa naïveté parfois sidérale. 

Enfin, je termine rapidement sur les personnages masculins où je suis plus mitigé. Leftrin pour l'instant ressemble énormément à Brashen des Aventuriers de la Mer par bien des aspects. Cela pourra évoluer par la suite, mais je ne vois pas trop ce qu'il peut amener de neuf en terme de personnage et de récit. Sédric est le personnage sur lequel je coince le plus et n'arrive pas à comprendre complètement ce que cherche à faire Robin Hobb avec lui. Il est détestable au possible et rien ne le sauve dans toute cette première partie. Autant Kennit dans les Aventuriers de la Mer même s'il réalise des actions qu'on peut qualifier d'immorales, il avait un objectif noble et on sentait certaines bonnes choses et des blessures profondes qui pouvaient expliquer les mauvaises, en tout cas jusqu'à un certain événement impliquant Althéa. Mais alors Sédric pas du tout, c'est juste une immonde personne. De ce fait, je ne sais pas si c'est comme pour Malta et un retournement de situation est à prévoir sur la caractérisation du personnage ou s'il est juste là pour être le "connard" de service. La manière dont il est présenté par Robin Hobb entretient ce flou, du coup préparation habile de l'autrice ou ratée dans l'écriture ? Seuls les tomes suivants pourront y répondre.

Fanart de Thymara par ThereseOfTheNorth sur Deviantart !

Fanart de Thymara par ThereseOfTheNorth sur Deviantart !

En conclusion, la Cité des Anciens s'ouvre sur une première partie qui prend son temps pour poser ses personnages, leurs environnements et leur objectif. Peut-être un peu trop, j'ai eu un peu de mal à rentrer dedans. Cependant, une fois que le lecteur est happé, plus moyen de lâcher l'ouvrage. Le style de Robin Hobb fonctionne encore une fois parfaitement notamment dans les relations entre les personnages. Tout comme pour les Aventuriers de la Mer, ce cycle de la Cité des Anciens offre une aventure éminemment féminine et émancipatrice. Les jeunes lectrices trouveront encore une fois avec Robin Hobb des figures intéressantes et de véritables héroïnes leur parlant de la vie semée d'embûche d'une femme dans une société patriarcal !

Ma note : Excellent !

Barème de notation : Excellent - Très Bien - Bien - Moyen - Mauvais - Honteux

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