Us de Jordan Peele : Une tension de tous les instants !

Gabe et Adelaide Wilson se rendent avec leurs deux enfants dans leur maison de vacances pour passer du temps avec leurs amis, les Tyler. Mais leur séjour tranquille devient cauchemardesque quand ils sont terrorisés par une bande d'inconnus qui ne sont autres que leurs doppelgängers...

Le choix judicieux des ciseaux pour prolonger la thématique des doubles !

Après l'excellent Get Out et sa thématique portant sur l'horreur social du racisme latent, Jordan Peele remet le couvert avec un deuxième long-métrage intitulé cette fois-ci Us qui va s'intéresser à la part sombre qui sommeille en chacun, tout en optant cette fois-ci pour une plongée totale dans le fantastique.

Sa classification dans la catégorie horreur peut jouer contre lui, mais le film ne joue clairement pas sur le registre de l'horreur classique du cinéma hollywoodien à base de jumpscare ou d'ombres effrayantes qui passent dans un coin de l'écran. Jordan Peele est très frontale dans sa réalisation, il montre tout ce qui se passe et ce n'est pas par la dissimulation ou les fausses pistes qu'il crée de la peur. Us crée de la peur et de l'angoisse par une tension omniprésente qu'il va transmettre par le scénario qui se déroule devant nos yeux et le montage. Cette tension va provenir par exemple de plans très longs. Au début du film et quand on découvre la famille d'Adélaïde et leur quotidien, les plans sont longs pour instaurer une ambiance très détendu, presque relaxante et donner l'impression au spectateur d'être le cinquième membre et de participer à l'excursion estivale. Cependant quand l'étrange et l'effrayant arrive, ces plans très longs vont avoir vocation de faire monter progressivement la tension en transmettant le stress qui monte chez les protagonistes. Pour exemple, on peut prendre la première scène d'apparition de la famille de double dans l'allée de la maison. Dans cette scène pendant un long moment la caméra tourne autour d'Adélaïde qui enserre ses enfants contre elle et dont on voit l'angoisse grandir au fur et à mesure qu'on suit en fond le père sortir et entrer du couloir pour s'habiller et aller chercher une batte. Tout cela prend bien une minute voir deux, tandis qu'on sait qu'une menace se trouve dans l'allée devant la porte. Est-elle toujours là ? Ont-ils bougé ? Vont-ils surgir d'un seul coup ? Tant de questions qui fusent dans l'esprit du spectateur écho de l'angoisse grandissante des protagonistes. Evidemment qu'écrit ainsi, cela ne fait pas un grand effet, mais dans le contexte du film, je peux vous assurer que l'effet est garanti. Le rythme va s’accélérer après la première attaque et entraîner avec plaisir le spectateur jusqu'à la fin du film dans une tension omniprésente parfaitement maîtrisée et retransmise.

La peur est aussi retransmise durant le film par le procédé de l'inquiétante étrangeté. Un sentiment qui se dégage notamment des doubles. Au premier abord, ces doubles ne sont que des figures humaines où normalement aucune peur ne se dégage. Sauf que ces figures humaines sont un miroir déformé de nos protagonistes. D'où le propos sur la part sombre qui sommeille en chacun de nous qu'on peut lire au travers de tout le film. Au-delà de simple caractéristique psychologique, il y a aussi leur démarche, gestuelle et manière de s'exprimer qui renforce cette inquiétante étrangeté. Tous les mouvements des doubles sont étranges à l’œil soit par la manière de se déplacer, soit par leur gestuelle très découpé. Ils donnent vraiment l'impression d'être des mannequins figés qui exécutent pour la première fois des mouvements, tout paraît forcé dans la gestuelle, hachuré et donc non-naturel. La direction des acteurs est exemplaire parce que le rendu final dans le film est parfaite et l'impression étrange au possible. De la même manière, la diction du double d'Adélaïde, Red, est très découpée, butant sur chaque mot. Chaque mot sort pratiquement dans un râle rauque. Tant d'éléments, et la liste n'est pas complète, qui renforce donc ce sentiment d'inquiétante étrangeté qui parcourt tout le film. 

Je pourrais aborder aussi les multiplications des coïncidences étranges - répétitions d'une suite de nombre, un frisbee qui tombe parfaitement sur un cercle ...  - créant ainsi une sorte de paranoïa chez le spectateur qui le remarque et qui va chercher dans tous les coins de l'image ces coïncidences, rajoutant donc de la tension.  Cependant je pense que vous l'avez compris le film réussit parfaitement son pari et crée une tension perpétuelle qui ne va jamais lâcher son spectateur du début à la fin. Je vous laisse donc le loisir d'en découvrir plus par vous-même et aller le voir au plus vite.

Je n'ai cependant pratiquement pas abordé le scénario du film, tout simplement parce que je vous laisse le découvrir et surtout qu'il repose sur quelques retournements de situations. Il serait donc dommage de vous gâcher le plaisir de la découverte. Sachez juste que contrairement à Get Out qui ne révélait qu'en fin de film son versant fantastique, Us y plonge entièrement et ne laisse aucun doute sur cet aspect. Le film est une véritable fable fantastique angoissante de bout en bout. 

Bande-annonce d'Us !

Cette tension que le spectateur ressent tout au long du film, elle provient aussi du fait qu'on s'attache très facilement à cette famille qu'on suit. Elle nous paraît immédiatement sympathique et on éprouve très facilement de l'empathie pour elle. Un sentiment qui doit beaucoup à l'alchimie qu'on ressent entre les différents acteurs à savoir Winston Duke (Black Panther, Person of Interest) pour Gabe (le père), Lupita Nyong'o (Black Panther, Twelve Years a Slave) pour Adélaïde (la mère), Evan Alex pour Jason (le fils) et Shahadi Wright-Joseph pour Zora (la fille). S'ils sont très bons pour interpréter des personnages sympathiques, ils le sont tout autant dans l'interprétation de leur double maléfique. La palme revenant plus particulièrement à Lupita Nyong'o qui est juste impériale dans ce double rôle et transcendante dans chacun des plans où elle apparaît.

J'ai déjà évoqué la réalisation notamment à travers le montage pour créer de la tension, mais il faut aussi souligner la finesse et la beauté du travail de Jordan Peele. Certains plans sont vraiment de toute beauté que cela soit dans leur composition et ce qu'ils mettent en image. Les deux dont je vais parler sont dans la bande-annonce ci-dessus. Le premier est au début du film quand on suit la jeune Adélaïde se trouvant à la fête foraine avec ses parents et qu'elle s'éloigne d'eux, se retrouvant sur une plage. Il y a un plan où elle est face à la mer plongé dans la nuit, des lumières de la ville éclairant le fond de l'image et d'un coup un éclair surgit dans ce fond illuminant l'obscurité et imprimant sur la rétine une image à l'esthétique simple, mais marquante. De manière générale, le travail sur les ombres et la lumière du film est vraiment remarquable. La deuxième scène est celle d'un plan zénithal au moment où la famille arrive sur la plage et où on voit leurs ombres se détacher très nettement annonçant l'arrivée des doubles prochaine. Ce plan est notamment renforcé par la musique de Michael Abels qui accompagne la scène qui donne une toute allure à cette sortie sur la plage. La musique du film est grandiose et participe énormément à son atmosphère et la création d'une tension permanente. Toutes les compositions de Michael Abels sont d'un tel niveaux que c'est difficile d'en ressortir que quelques unes mais il faut aller écouter : Anthem, Beach Walk, Pas de deux et le remix réalisé pour le film de I Got 5 On It. 

Un exemple parmi tant d'autres des morceaux excellents composés par Michael Abels pour Us !

En conclusion, Us est une nouvelle fois une réussite pour Jordan Peele qui en seulement deux films a réussi à devenir une valeur sûr du cinéma "horrifique". Us est une fable fantastique horrifique où la tension est omniprésente. Le scénario possède des retournements de situation, certes facile à deviner, mais bien amenés et construits. La réalisation du film est juste magnifique entre un véritable sens du rythme du montage et une esthétique de toute beauté. Pour parachever le tout, les compositions de Michael Abels sublime les images de Jordan Peele avec une musique étrange et inquiétante. Un incontournable !

Ma note : Excellent !

Barème de notation : Excellent - Très Bien - Bien - Moyen - Mauvais - Honteux