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Blog où je vous donne mon avis sur des films, des séries, des livres et des jeux vidéo. N'hésitez pas à réagir et à partager votre opinion dans le respect de tous bien sûr.

Complexe Classique #2 : Là-bas de Joris-Karl Huysmans

Huysmans est passionné par la démonologie et le surnaturel. Son héros, Durtal, est un historien amené à s'interroger sur la doctrine chrétienne et le satanisme. Il abandonne «l'adultère, l'amour, l'ambition, tous les sujets apprivoisés du roman moderne, pour écrire l'histoire de Gilles de Rais.»

Date de parution : 1891
Genre : Roman
Nombre de pages : 443
Nationalité : Français

Pour les objectifs de ces dossiers, je vous renvoie vers la note d'intention : Complexe Classique #0 : Note d'intention

La couverture, l'élément du livre que j'ai certainement le plus apprécié de ma lecture !

La couverture, l'élément du livre que j'ai certainement le plus apprécié de ma lecture !

Là-bas de Huysmans est typiquement le genre d'ouvrage qui peut se lire de deux manières bien différentes. Je ne doute pas qu'il est d'un intérêt certain dans le cadre d'un cours et qu'il possède un certains nombres d'entrées dans une étude sur la société et la littérature de la fin du XIXe siècle, mais en ce qui concerne une lecture dans un cadre personnel l'affaire est tout autre. 

De quoi ça parle ? 

Là-bas est extrêmement riche dans les sujets qu'il aborde, beaucoup trop en réalité puisque cela prend le pas sur la narration, mais si vous voulez vous renseigner sur la spiritualité, l'occultisme, Gilles de Rais et les cloches selon un point de vue du XIXe alors vous trouverez une source prolifique. Cependant, attention, Là-bas est un plaidoyer de son auteur et il n'y développe que son avis avec une subjectivité totale ce qui ne manquera pas de vous hérisser le poil en cas de désaccord profond avec ce dernier, d'autant que le personnage peut être très désagréable et imbu de lui-même. L'ouvrage s'ouvre par exemple sur une longue tirade sur le courant naturaliste en littérature et à quel point ce dernier est une horreur innommable et indigeste, ce qui est paradoxal puisque son auteur en a fait partie à ses débuts et a été un "élève" de Zola. Là-bas est un déversoir dans lequel son auteur ne mâche pas son mépris du monde et des autres. 
Attention, le livre est d'une misogynie crasse et sans appel. Même en essayant de remettre le texte dans son époque, c'est d'une violence assez importante envers la population féminine. Huysmans déteste les femmes et ici la seule qui aura droit à un portrait acceptable est celle qui fait la cuisine, le ménage et qui se retire quand les hommes parlent. Mis à part la femme du sonneur de cloches, toutes les autres seront juste bonnes à écarter les cuisses pour le plaisir masculin, des succubes ou bien d'une idiotie sans fin qui ne peuvent qu'aimer de la mauvaise littérature. 

Mon avis personnel ? Une lecture laborieuse et douloureuse

Je pense que vous l'avez deviné et même en essayant d'atténuer ma subjectivité pour décrire les thématiques de l'ouvrage, j'ai particulièrement détesté Là-bas de Huysmans. 

Le roman prend un malin plaisir à créer des fausses pistes de narration tout au long de l'enchaînement de ses chapitres. Très souvent, trop même, le·a lecteur·trice va avoir l'impression de voir une intrigue débuter pour au final être interrompue par de longues digressions. A chaque fois où le récit semble démarrer, Huysmans fait exprès de partir sur un tout autre sujet pour faire patienter le·a lecteur·trice, et même si ce dernier est patient il ne sera pas récompensé puisque l'auteur va soit abandonner la narration ou la régler en deux paragraphes décevants. Vous comprenez c'est de la mauvaise littérature qu'un récit réaliste et qui s'intéresse à la population, Zola c'est la décadence et la chute du noble art de l'écriture. Ce n'est pas moi qui interprète, mais bel et bien les paroles qui ouvrent l'ouvrage et qui sont celles de Durtal et à peine plus voilée que ce que j'ai résumé en une phrase. Ce n'est pas une position de personnage, mais bien celle de Joris-Karl Huysmans puisque Durtal, le personnage principal du roman, c'est lui. Ce personnage sera dans quatre romans de son auteur et suivra le parcours de vie de ce dernier qui au moment de la rédaction est en pleine "révélation" et deviendra oblat un an plus tard. 

Ce qui m'amène à mon deuxième point de discorde avec l'ouvrage : je déteste Durtal et j'ai envie de le noyer dans la Seine. Donc par association, je déteste Joris-Karl Huysmans. Sans me lancer dans une tirade longue et enflammée pour exprimer à quel point il me paraît antipathique comme personnage, le meilleur portrait synthétique que je peux en faire c'est qu'il se pense supérieur à tout le monde et que c'était mieux avant. Globalement, les 400 pages de l'ouvrage peuvent se résumer à ce portrait. Toutes les discussions entre Durtal et son ami des Hermies aboutissent à cette conclusion : les autres sont des idiots et avant, en général le Moyen Âge, c'était mieux surtout quand la chrétienté régissait nos vies. Clairement, c'est assez insupportable, mais alors dès que Durtal est seul avec ses pensées ou lors de son aventure avec Madame Chantelouve, j'ai atteint des paroxysmes d'énervement assez incroyable. Durtal est un personnage qui se plaint continuellement, sans jamais se remettre en question et ses malheurs ainsi que son manque de succès sont la faute des autres. Je n'ai pas forcément de problème avec ce type de personnage, on en trouve quelques-uns chez Zola par exemple, et même si on a envie de les secouer pour les réveiller, il y a un fond de vérité dans leur complainte et un sentiment d'injustice qui existe réellement. Mais alors Durtal, il n'en est rien. Rien ne justifie ses lamentations. Mais alors quand il s'agit des femmes, c'est juste un sombre connard et il n'y a pas d'autres termes pour le définir. Comme dit plus haut, les femmes ne sont bonnes qu'à assouvir son plaisir et si elles tentent de s'émanciper ou de rechercher leur propre plaisir, elles ne peuvent qu'être des succubes. Son comportement est lamentable et quand il passe une centaine de pages à faire des pieds et des mains pour coucher avec Madame Chantelouve, mettant en place des stratagèmes douteux et qu'il y arrive enfin : il n'est pas content. Son nouveau "jouet" n'est pas aussi bien qu'il le fantasmait alors il n'en veut plus. Et si encore cela avait pour but de dire que le fantasme était plus érotique que l'acte en lui-même, pourquoi pas à la limite, mais pas du tout : ce qui gêne Durtal c'est qu'elle n'est pas complètement soumise comme les prostituées qu'il va voir. Comment voulez-vous apprécier un personnage de ce type ? 

Pour essayer de tirer de Là-bas quelque chose de positif, je dois bien avouer que ses descriptions de bâtiments sont très parlantes et très justes, on sent la présence de sa période naturaliste dans ces passages. Je me dois également d'aborder les très nombreuses conversations qui ponctuent le roman. Très grossièrement, je pense que cela constitue entre la moitié et les trois-quarts de ce dernier. Ce sont des conversations très riches, très denses en terme d'informations, et qui s'étire assez souvent en longueur. Et même si je ne suis pas d'accord avec les points de vue avancés par les personnages, il faut bien le reconnaître Huysmans a réalisé un travail de recherche assez impressionnant et au travers de ces conversations on apprend pleins de choses. Personnellement, j'aime bien apprendre et qu'on titille ma curiosité tout en suivant une histoire, donc assez souvent dans ces conversations j'y trouvais un intérêt. Cependant, parce qu'il y a un "mais" là-dedans, Huysmans a certainement fait trop de recherche et a voulu tout faire rentrer dans son roman. Des discussions entières qui peuvent être allègrement réduites, il y en a aussi une pelleté et notamment celles sur les cloches. Je suis bien content d'apprendre des choses sur les cloches, mais pas que ça s'étire sur plusieurs pages et qu'il rentre dans les détails les plus infimes de leur composition. Ce n'est pas un roman sur les cloches que je suis en train de lire, qu'on m'amène cela en annexe, oui, mais pas qu'on me gave de force sur le sujet. D'autant plus que comme il veut caser à tout prix toutes ses connaissances, on a l'impression que les personnages sont en train de faire un séminaire sur tous les sujets possibles, rendant leurs conversations par moments creuses et artificielles. On a donc ici un élément qui peut être sympathique dans la lecture, mais qui se retrouve vite à être long, très long par moment.

Enfin, un point très rapide et qui n'a rien à voir avec la lecture en elle-même, c'est en ce qui concerne l'histoire de Gilles de Rais. Puisque Durtal rédige, en même temps que le récit se déroule, la biographie de ce personnage, l'auteur y consacre de longs moments et nous fait part des découvertes de son personnage et certainement les siennes. Déjà d'une part l'histoire ne se fait pas ou plus de cette manière c'est-à-dire laissant libre cours à l'interprétation, à l'imagination et d'une manière romancée. D'autre part, ne prenez pas pour acquis tout ce qui est dit dans Là-bas, on est typiquement sur le cas d'une figure très clivante et qui a une historiographie très riche composée d'ouvrages plus ou moins sérieux. Si je ne remets pas en cause les informations apportées par Huysmans sur d'autres sujets, ici la prudence est de mise et que si vous voulez vous renseigner sur Gilles de Rais, il faudra privilégié d'abord des ouvrages historiques récents sur le sujet certainement trouvable dans une bibliothèque municipale ou médiathèque proche de chez vous.

Accessible ou non ?

Au-delà de ma mauvaise réception de l'ouvrage, je ne pense pas que Là-bas soit accessible au plus grand nombre. C'est un roman qui se réserve à des personnes qui ont une expérience de lecture assez importante. Notamment par le fait que l'auteur utilise un vocabulaire extrêmement riche et pointilleux qui en rend la compréhension parfois assez complexe. De plus, le style de l'auteur est lourd et a assez mal vieilli, ce qui ne le rend pas facilement accessible. 

Et si je ne veux ou ne peux pas lire le livre, mais qu'il m'intéresse ?

Là-bas de Joris-Karl Huysmans ne dispose pas d'adaptation cinématographique et en même temps c'est compréhensible au vu de l'absence de trame narrative. Cependant, il existe une adaptation musicale du roman par l'artiste Will Z. dans l'album 12 Visions. Je ne peux pas vous dire ce que ça vaut, mais ça existe et c'est déjà une surprise en soit. 
Cependant, si vous voulez tout de même tenter l'aventure ou vous confronter au récit, il est certainement très facilement trouvable dans la médiathèque proche de chez vous ou dans son réseau. Si la lecture sur écran ne vous dérange pas, il est en libre accès sur Wikisource dans son édition de 1895, il vous suffit cliquer sur le lien qui suit : Là-bas

Joris-Karl Huysmans dans une position similaire à la mienne à la fin de la lecture de son roman !

Joris-Karl Huysmans dans une position similaire à la mienne à la fin de la lecture de son roman !

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