Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Blog où je vous donne mon avis sur des films, des séries, des livres et des jeux vidéo. N'hésitez pas à réagir et à partager votre opinion dans le respect de tous bien sûr.

Dossier Stephen King #5 : Le Fléau

Le Fléau de Stephen King : L'effondrement de la civilisation !

Synopsis : Il a suffi que l'ordinateur d'un laboratoire ultra-secret de l'armée américaine fasse une erreur d'une nanoseconde pour que la chaîne de la mort se mette en marche. Le Fléau, inexorablement, se répand sur l'Amérique et, de New York à Los Angeles, transforme un bel été en cauchemar. Avec un taux de contamination de 99.4 %. 
Dans ce monde d'apocalypse émerge alors une poignée de survivants hallucinés. Ils ne se connaissent pas, pourtant chacun veut rejoindre celle que, dans leurs rêves, ils appellent Mère Abigaël : une vieille Noire de cent huit ans dont dépend leur salut commun. 
Mais ils savent aussi que sur cette terre dévastée rôde l'Homme sans visage, l'Homme Noir aux étranges pouvoirs, Randall Flagg. L'incarnation des fantasmes les plus diaboliques, destinée à régner sur ce monde nouveau. 
C'est la fin des Temps, et le dernier combat entre le Bien et le Mal peut commencer. 

Date de parution : 1978 (USA) / 1981 (France) / 1990 (USA - version augmentée) / 1991 (France - version augmentée)
Traduction : Jean-Pierre Quijano
Nombre de pages : 1554 (pour la version de poche en 2 volumes)

La nouvelle édition du Fléau qui est de toute beauté et malheureusement n'est pas celle que je possède

La nouvelle édition du Fléau qui est de toute beauté et malheureusement n'est pas celle que je possède

Après l'interlude Rage, replongeons dans une recette classique de Stephen King : du récit social teinté de fantastique où le Bien et le Mal luttent avec acharnement. Le Fléau est une véritable œuvre chorale tant la galerie de personnages est conséquente. C'est également un mastodonte puisqu'on est face au plus long récit de King. Une longueur tout à fait justifiée par un récit dense et qui sait prendre le temps nécessaire pour dérouler son propos tout au long de ses quatre actes. Rien n'est précipité dans Le Fléau et la lecture est passionnante de la première à la dernière page. 
Le projet du Fléau est simple : raconter l'effondrement de la civilisation après qu'un virus est décimé une très grande partie de la population. Premier point qui est intéressant dans la narration c'est qu'on va réellement suivre l'évolution des personnages du moment zéro jusqu'à la renaissance, toute relative, d'une société américaine. Là où des récits auraient pu faire des ellipses pour zapper les moments d'entre-deux ou de tâtonnements, Stephen King prend le parti de tout nous raconter. On connaîtra toutes les erreurs, les hésitations, les errances de ses personnages dans leur long périple. Ce qui renforce le côté cohérent du récit qui nous est raconté. On croit pleinement aux parcours des différents personnages. 

Une des force narratives du Fléau est son changement d'ambiance à plusieurs reprises. Une structure narrative nécessaire pour ne pas rendre indigeste les nombreuses pages qui composent le récit. Le premier acte a un ton plus proche d'un film catastrophe. Les personnages voient leur entourage tomber petit à petit et le monde s'effondrer autour d'eux. Chacun réagissant différemment et rentrant dans une logique de survie. L'ambiance qui se dégage de ce premier acte est à la fois palpitante et d'une tension de tous les instants. Le deuxième acte est celui de l'errance où le récit se pose pour suivre le parcours de ses différents personnages. Le rythme se ralentit, mais cet arrêt est nécessaire puisqu'on entre dans le temps du changement pour les protagonistes. Pour qu'on croit à leur évolution, il faut que le récit prenne son temps et que tout cela se fasse par petits à-coups, petites épreuves ou par le poids de la lassitude et du désespoir. Le troisième acte incarne celui de l'espoir où on nous fait croire que tout peut bien se passer. Les protagonistes survivants sont réunis, une société se reforme et les personnages ont des plans pour le futur. C'est également le moment où on a le plus d'ellipses dans le récit. Stephen King nous fait sauter à chaque ellipse d'une problématique matérielle à une autre pour la nouvelle société. On voit les personnages tenter de s'en sortir et faire des erreurs. L'auteur s'amuse à faire planer une menace qui devient de plus en plus oppressante jusqu'à nous amener à l'acte final. Le dernier acte est celui de l'affrontement et on rentre dans une dimension casi biblique du récit. Des héros sont en mission contre le Mal qui est tout puissant, mais ils sont en infériorités et démunis. Toute la tension accumulée dans l'acte précédent se libère et imprègne chacune des pages qui mènent à la conclusion du Fléau
Une structure narrative qui est menée avec brio, qui immerge instantanément et sur la longueur le·a lecteur·trice et qui gère admirablement ses ressorts scénaristiques. Evidemment, il est aisé de reconnaître dans cette structure narrative celle du Seigneur des Anneaux. C'est revendiqué comme tel par Stephen King lui-même et c'était un de ses projets d'écriture qu'il réalise donc avec le Fléau

Le Fléau n'est pas qu'une histoire rondement menée, c'est également une galerie de personnages diverses et variées. Comme toujours Stephen King réalise une excellente captation des réalités humaines et les personnages faits de mots et d'encres qui nous accompagnent tout au long du récit sont bien réels. La force également du récit c'est que ce sont des personnages qui évoluent beaucoup au fil des pages. Certains ont même des trajectoires assez surprenantes et d'autres plus courtes. L'auteur nous décrit un monde dur et où la survie prime, la moindre erreur n'est pas pardonnée et il ne montre aucune pitié à faire mourir des personnages qu'on apprécie. Malheureusement, tout n'est pas parfait à ce niveau, mais on y reviendra dans les points négatifs.
Les chapitres alternent entre les points de vue des différents protagonistes. On dispose donc toujours d'un éclairage sur leurs motivations et leurs perceptions des événements qui peuvent varier du tout au tout.
Evidemment, ces personnages racontent beaucoup de choses sur la perception de la société par l'auteur et abordent de nombreuses thématiques. On y retrouve le rejet de la différence qui finit par créer les monstres qu'on doit combattre. Beaucoup des personnages qu'on suit possède une différence par rapport à la "normalité" : Nick, Harold, LLoyd, L'ordure ou encore Tom. Finalement, ceux qui vont se partager entre bons et mauvais sont ceux qui ont eu la chance de rencontrer au bon moment des personnes compréhensives et qui ont pu les aider à s'en sortir et à aimer leur différence. Nick nous le raconte lors d'un flashback de son enfance comment ce personnage un peu bourru l'a pris sous son aile à l'orphelinat et l'a aidé à vivre avec son mutisme. Tom a rencontré Nick qui l'a accepté tel qu'il est. De l'autre, LLoyd a rencontré les mauvaises personnes, L'ordure a été harcelé et moqué durant toute sa vie et Harold est rempli de haine et de suffisance à cause du rejet subi par sa famille et à l'école. Face à cette société qui n'a pas voulu d'eux, ni les comprendre, ils se sont réfugiés dans leur colère et leurs vices. Pour Lloyd et l'ordure ce sont des aspects visibles très rapidement. Pour Harold, on est face à une véritable maîtrise de la construction du personnage. Clairement au départ Harold nous apparaît comme un "petit con" insupportable. Mais au fur et à mesure des chapitres, on se rend compte de ses qualités et on comprend un peu mieux d'où vient cette personnalité repoussante du personnage. Malheureusement, il vit un moment de bascule où il sombre complètement tant par choix que par son passé. Finalement pendant longtemps on ne peux s'empêcher de regretter que le personnage n'est pas rencontré les bonnes personnes avant le début du récit et qu'il aurait pu devenir un membre important de la communauté. Bien sûr lorsqu'il commet l'impardonnable, toute pitié s'envole, mais malgré son caractère Stephen King arrive à insérer une once de compréhension dans la lecture du personnage. Mis à part Randall Flag (incarnation du Mal) et le Kid, Stephen King ne déteste aucun de ses antagonistes, il insuffle une véritable sincérité dans leur écriture. Une sincérité et une compréhension qu'il transmet très bien au lectorat. Les passages dans la ville des opposants, Las Vegas, en est un parfait exemple. Cette deuxième société n'est pas décrite comme abominable et réalisant des sacrifices humains à chaque coin de rue. Elle est parfaitement normale dans son fonctionnement, on sent qu'elle a également des histoires à raconter et des personnages qui peuvent être appréciables. Protagonistes et antagonistes ont donc des choses à raconter, ce qui est une véritable force narrative.
Monde post-apocalyptique, les personnages rencontrés sont évidemment des avatars de ce qui pourrait être des réactions face à une liberté totale et laissant libre cours ou non à leurs pulsions les plus basses. De manière générale, la vision qui se dégage de ce roman est à la fois très ancrée dans les années 70 américaines et d'une certaine manière anti-capitaliste (un peu) et pessimiste. Les années 70 américaines se ressentent notamment dans la méfiance vis-à-vis au gouvernement qui transpire de toutes les pages mettant en scène l'armée. Rien d'étonnant à cela, l'affaire du Watergate est omniprésente dans les esprits, on sort de la guerre du Vietnam et on est toujours en pleine Guerre Froide. Les raisons de se méfier de l'armée et du gouvernement sont nombreuses et c'est ce que retranscrit King dans son récit. L'aspect Guerre Froide est évident avec la menace de la bombe nucléaire qui plane tout au long du récit. L'anti-capitalisme est retranscrit déjà par le choix des villes pour chacun des camps, Boulder pour les gentils qui ressemble à une petite ville sans prétention tandis que les opposant sont à Las Vegas. Quelle ville américaine incarne plus la décadence et la consommation effrénée et déchaînée que Las Vegas ? Cela se retrouve également dans les profils des personnages qui se partagent dans les deux camps : les gens de la terre, plus simple et pragmatique dans leurs préoccupations se retrouvent à Boulder, tandis que Las Vegas accueillent les ingénieurs et tous les profils qui poussent dans les années 70-80 à toujours plus de progrès. Des choix qui ne sont pas innocent. Enfin, le pessimisme est notamment très présent à la fin du récit, notamment sur la reconstruction de Boulder et le chemin que prend cette nouvelle société. 
Une société à Boulder qu'on voit tout au long du roman se construire morceau par morceau. Une reconstruction qui paraît crédible de bout en bout et avec des problématiques bien amenées et bien pensées. Cet aspect reconstruction est également bien supportée par l'apport du personnage de Glen qui est un anthropologue universitaire. Au fil du récit, il aura de nombreuses discussions, notamment avec Stu, sur la société humaine et les problématiques qu'elle engendre. Chacune de celle-ci anticipe les problématiques à venir pour les protagonistes et éclairent sur les différentes possibilités qui s'offrent à eux. La crédibilité est également de mise dans la destruction de la société. Comment les pouvoirs réagissent face à l'effondrement du système alimentaire, hospitalier, sécuritaire. Les réponses sont diverses. Le livre présente aussi des situations très dures également lors de ces passages, par exemple : si 99.4% de la population meurt parmi les survivants il y aura des enfants en bas-âge, des personnes atteintes de maladie qui nécessite des traitements quotidiens et donc que va-t-il leur arriver ? 

Malheureusement, tous ces efforts de crédibilité s'effritent face à une problématique importante chez Stephen King et plus particulièrement dans ses premiers récits : le manque de représentation de la diversité. En effet, le monde du Fléau est un monde très blanc, très masculin et très hétérosexuel. Soyons clair comme beaucoup je ne pense pas que Stephen King est raciste, ni même misogyne. Cependant, il reste un homme blanc né dans les années 40, vivant dans un Etat où la diversité est peu présente et au moment de l'écriture du Fléau il est déjà riche et célèbre. Pas au niveau qu'il est aujourd'hui, mais il appartient déjà à une classe sociale supérieure. Evidemment qu'avec un tel profil des biais se glissent dans son écriture et de grosses maladresses dans certaines thématiques. Cependant, Stephen King est un des rares auteurs à reconnaître ses erreurs et de toujours essayer de les corriger, pas toujours avec succès, mais les intentions sont là. 
Dans Le Fléau, la casi entièreté des personnages sont décrits comme blancs et masculins. Même dans un monde où 99.4 % de la population meurt, une certaine représentativité doit exister. A moins que le virus de la grippe soit raciste, ce qui n'est pas le cas donc parmi les survivants on doit trouver des personnages aux origines et orientations. Ici dans le récit seule Mère Abigaël est noire. La version française fausse un peu cette perception, les quelques erreurs et libertés de traduction font penser que Nick l'est également. Dans la version augmentée, il y a effectivement une scène où des noirs sont mis en scène, mais si j'en comprends l'idée et l'intention, comment dire qu'on atteint presque un niveau digne de Tintin au Congo. Si la scène a été coupé à l'époque par les éditeurs certainement pour des motifs racistes, des noirs qui se vengent des mauvais traitements infligés par les blancs ce n'étaient pas accepté à l'époque, aujourd'hui cette scène serait toujours coupée, ou mieux remaniée, mais pour le fait qu'elle serait offensante et cliché. Sur la question des personnages noirs une critique revient beaucoup sur Le Fléau son utilisation du "Magical Negro" (lien qui explique ce phénomène : https://fr.wikipedia.org/wiki/Magical_Negro). Alors Mère Abigail ne correspond pas totalement à ce ressort scénaristique raciste et la critique n'aurait pas été si forte s'il y avait d'autres personnages noirs dans le récit. La critique a l'air de plutôt également de souligner cet aspect pour la série de 2019.
La représentation féminine est également battu en brèche par le récit. Pourtant Stephen King sait écrire des personnages féminins fort (Carrie ou Wendy pour citer les romans qu'on a déjà traité) et intéressants. Mais pour Le Fléau ça manque cruellement. Frannie malgré tous ces bons côtés reste une femme lambda qui a pour principal intérêt d'être enceinte et de trouver l'amour. Nadine est l'équivalent d'une Lilith du point de vue biblique donc on peut difficilement la considérer comme une bonne représentation. Reste Mère Abigail, mais par sa condition de sainte n'est plus véritablement une femme. Quelques femmes intéressantes parcourent tout de même le récit, mais malheureusement disparaissent trop vite. Ne parlons pas de la scène où l'homosexualité est évoqué où pour le coup Stephen King est comme Stu et il ne comprend rien au sujet. 
Ce manque de représentation est clairement la grande faiblesse du récit et vient par moment sortir le lecteur, et particulièrement la lectrice, actuel·le du récit palpitant qu'offre Le Fléau. 
 

Enfin, la version française souffre également de plusieurs erreurs de traduction et de libertés qui changent la perception du récit comme avec la description de Nick qui insinue que le personnage serait noir, notamment lorsque l'insulte "Bamboula" est proféré par un personnage qui tabasse Nick au début du roman. On retrouve des erreurs qui perturbent la compréhension comme des noms de mois qui changent et insèrent des incohérences scénaristiques si on est pas attentif. 
Alors loin de moi de jeter la pierre au traducteur du roman. J'ai pertinemment conscience du fait qu'ils ont eu et ont toujours des conditions de travail compliqués avec des délais resserrées et par forcément des salaires qui suivent la cadence imposée. D'autant plus qu'avec Le Fléau on se retrouve avec une œuvre gargantuesque et que l'écriture de Stephen King est particulière. Toujours très agréable à lire et envoutante, mais certainement pas la plus facile à traduire. Mais il faut tout de même évoquer ces petits soucis pour que vous en ayez conscience durant votre lecture ou relecture du roman. 

En conclusion, Le Fléau de Stephen King est une œuvre monumentale dans sa bibliographie. C'est une histoire passionnante et palpitante de l'effondrement de la société et d'une lutte acharnée entre le Bien et le Mal. On y retrouve tout le discours social propre au style de King teinté d'une dose de fantastique horrifique qu'il maîtrise si bien. L'effondrement et la reconstruction de la société est d'une très grande crédibilité. La galerie des personnages est intéressante et relève d'une très bonne captation des réalités humaines. Néanmoins une réalité qui s'adresse plus particulièrement aux hommes blancs et hétéro, puisque le récit souffre d'un véritable manque de représentation que cela soit dans les origines des différents protagonistes ou même de personnages féminins de premier plan. Enfin la version française souffre de quelques erreurs de traduction un peu genântes.

Couverture d'une ancienne édition du Fléau qui a un style particulier, mais également beaucoup de charme !

Couverture d'une ancienne édition du Fléau qui a un style particulier, mais également beaucoup de charme !

Le Fléau de Mick Garris : Un résultat décevant !

Synopsis : Un virus redoutable s'échappe accidentellement d'une base militaire. A travers le pays, les cadavres s'amoncellent, transformant les plus grandes villes en gigantesques cimetières... Seuls quelques êtres humains survivent. Guidés par un rêve commun, ils convergent vers une mystérieuse femme : mère Abigail...

Date de sortie : 1994 (USA) / 1995 (France)
Actrices et acteurs : Gary Sinise, Molly Ringwald, Jamey Sheridan, Miguel Ferrer, Rob Lowe
Scénario : Stephen King
Musique : W. G. Snuffy Walden
Durée : 366 minutes découpées en 4 parties
Budget : 28 millions de dollars
Nationalité : Etats-Unis

Jaquette du DVD de la mini-série

Jaquette du DVD de la mini-série

Ayant beaucoup apprécié l'adaptation de Shining par Mick Garris, également sous le format de mini-série, je partais confiant pour cette mini-série sur Le Fléau. Il faut tout de même préciser que Le Fléau a été réalisé avant Shining et qu'il s'agit de la première adaptation de Stephen King réalisé par Garris. En revanche ce n'est pas leur première collaboration puisque deux ans auparavant sortait La Nuit déchirée (Sleepwalkers en VO), film dont le scénario est écrit par Stephen King et n'est pas une adaptation d'un de ses romans ou d'une nouvelle. De plus, on retrouve Stephen King au scénario : qu'est-ce qui pourrait mal se passer ?

Le constat général est que si le format mini-série en 4 épisodes parvient à adapter correctement Shining, ce n'est pas le cas pour Le Fléau infiniment plus long et plus dense. Le récit de King se retrouve étriqué, charcuté et vidé de sa substance primordiale dans les 366 minutes qui lui sont allouées. Le problème de la mini-série est qu'elle veut raconter à tout prix tous les événements importants du roman, et tel un élève appliqué dans une course d'orientation tous les checkpoints scénaristiques sont validés. Cependant ce choix laisse de côté ce qui en fait le liant : les personnages. Même si le récit de King est très bien maîtrisé dans son format littéraire et on se prend au jeu, cela ne reste qu'un récit post-apo somme toute classique. Ce qui en fait véritablement la force ce sont les personnages et leur évolution psychologique. Un point qu'on ne retrouve absolument pas dans la mini-série. Enfin si, mais cela n'est jamais mis en scène de manière naturelle.
Prenons l'exemple de Larry qui est certainement le personnage qui évolue le plus au cours du récit. Dans la série, il commence effectivement comme un individualiste, paumé dans sa vie et submergé par la célébrité (même si pas mal de ses traits sont atténués). Par la suite et par le biais de différentes épreuves, il évolue, trouve un ancrage parmi les autres, s'ouvrent et deviens responsable. C'est une évolution qui est progressive et continuelle qu'on appréhende petit à petit. Dans la série, malheureusement poussée par la nécessité de tenir dans le délai imposé, on va passer du Larry du début au Larry de la fin sans avoir vu et ressenti l'évolution. Le spectateur qui n'a pas lu le roman en vient à se demander pourquoi ce personnage va partir pour la mission finale dans des conditions bibliques sans poser de question. Il manque quelque chose de fondamental dans la narration de la série. L'impression qui se dégage est celle d'un récit assez bateau et sans réel portée dramatique. Effectivement c'est fidèle, tous les moments de scénario nécessaire sont présents, mais ce n'est clairement pas palpitant.

Cette obsession de suivi du fil scénaristique impacte fortement sur les personnages qui sont dans l'ensemble assez vide. Evidemment que par exemple on va apprécier à Stu qui est le bon gars par excellence ou bien détester Harold qui est exécrable. C'est leur aspect stéréotype qui fonctionne, mais est-ce qu'on peut dire qu'on s'y attache réellement ? Absolument pas. Ce sont des fonctions et non des incarnations. Exception faite pour le duo Nick-Tom qui fonctionne très bien pour le coup. Leurs scènes sont les meilleurs moments de la série. Cette réussite provient essentiellement de leurs interprètes Rob Lowe (Salem's Lot ; 9-1-1 : Lone Star) pour Nick et Bill Fagerbakke (How I Met Your Mother) pour Tom. Les deux acteurs ont parfaitement saisi la sincérité et la grandeur des personnages et les retranscrivent très bien à l'écran. Les autres acteurs et actrices ne sont pas affreux, loin de là. Ils offrent une prestation correcte, mais jamais rien de transcendant. 

Tout ces défauts donne un rythme assez inégal à la série. La première partie est clairement plus intéressante que la seconde. Tout simplement parce que cette partie est celle de l'effondrement de la civilisation et la dévastation par l'épidémie. Ce qui est le plus intéressant ce sont les actions et dans ce registre la série fait le travail. La deuxième partie s'effondre puisqu'on est dans la partie où il faudrait développer les personnages. Ce qu'elle ne fait pas, continuant avec une visée purement factuelle. 
En revanche, la réalisation et l'aspect technique est réussie. Mick Garris ne propose pas des cadres révolutionnaires ou des techniques innovantes, il utilise des techniques classiques, mais le tout est fait de manière très carré. La mini-série reste parfaitement regardable aujourd'hui et du point de vue réalisation cela n'a pas trop vieilli. Quelques bonnes idées parsèment les quatre épisodes, notamment quelques jeux de lumières sympathiques. 
Enfin, la série a pris un coup de vieux qui l'impacte quelque peu. On peut largement passer sur les quelques effets spéciaux qui ont fatalement pris de l'âge. C'est normal et en lançant une production des années 90, on s'y attend. Là où ça passe beaucoup moins c'est dans son antagoniste Randall Flagg qui n'a rien d'effrayant, ni même de terrifiant. Le méchant intemporel n'est pas vraiment le qualificatif qu'on peut attribuer à l'interprétation de Jamey Sheridan (Homeland ; New York Section Criminelle). Si l'ensemble jeans et veste dans le même matériau avait un petit côté loubard de l'époque, ce n'est clairement plus le cas. De même son attitude reste très ancrée dans celle du vilain de son époque, aujourd'hui ne serait qu'un sous fifre un peu ringard. Ce n'est pas réellement un défaut dans le sens où c'est son époque qui veut cela, mais cela reste un petit point dommageable pour celui ou celle qui se lance dans la mini-série aujourd'hui. 

En conclusion, la mini-série Le Fléau de Mick Garris est décevante tant sur l'aspect adaptation et cinématographique. Le roman fleuve de Stephen King se retrouve étriqué et étouffé dans le temps qui lui est alloué. Et cela même si c'est l'auteur lui-même qui est au scénario. Poussé à enchaîner les événements scénaristiques pour réussir à raconter son histoire, on en oublie le plus important les personnages. Ils ne sont que des fonctions stéréotypées tout au long des quatre épisodes. Heureusement que Nick et Tom apportent quelques moments plus intéressants. De la même manière, la série n'arrive pas à trouver son rythme avec une première partie intéressante et une deuxième qui ne raconte plus grand chose. Une adaptation que je ne recommande pas et qui aurait mérité un format bien plus long pour exprimer son potentiel. 

La terreur des années 90 : une autre époque

La terreur des années 90 : une autre époque

The Stand de Josh Boone et Benjamin Cavell : Une purge !

Quand une peste meurtrière anéantit 99% de la population mondiale, les survivants assiégés luttent pour se frayer un chemin dans un monde post-apocalyptique où se joue un combat entre le bien et le mal. Le destin de l'humanité repose sur les frêles épaules de Mère Abigaël et une poignée de survivants confrontés au maléfique Randall Flagg, l'homme noir qui incarne leurs pires cauchemars. L'affrontement est inévitable...

Date de sortie : 2020-2021
Actrices et acteurs : James Mardsen, Amber Heard, Alexander Skarsgard, Greg Kinnear, Whoopi Goldberg
Musique : Mike Mogis et Nate Walcott
Nombre d'épisodes : 9
Durée : 59-65 minutes par épisode
Budget : Inconnu
Nationalité : Etats-Unis

Une affiche plutôt sympathique pour The Stand

Une affiche plutôt sympathique pour The Stand

Adapter à nouveau Le Fléau au format série avec neuf épisodes, et qui plus est après la période de confinement dû au Covid, n'est pas forcément une mauvaise idée. Le hasard du calendrier a fait revenir au premier plan l'ouvrage de Stephen King et 9 heures de programme semblent être une durée convenable pour adapter le roman fleuve de l'auteur. Certes des coupes seront à prévoir, mais il y a le temps de développer les personnages, leur évolution et l'intrigue. De plus, un casting de figures connues et talentueuses est annoncé.
Ce sont donc des attentes positives qu'on peut avoir avant de commencer la série et qu'elle détruise méticuleusement tout espoir épisode par épisode. Le visionnage des neuf épisodes de The Stand a été une véritable torture à vivre tant sur le plan adaptation que série en tant que telle. 

Comme d'habitude dans ces dossiers, nous allons débuté par le volet adaptation qui déborde également sur les problèmes de la série en tant que telle. 

The Stand a la fausse bonne idée de mélanger la narration du roman. La série s'ouvre par une opération de nettoyage au sein de Boulder et dans laquelle nous apercevons Harold comme premier personnage principal introduit. Puis flashback avant la pandémie et ainsi de suite au sein de l'épisode nous naviguons entre le début de l'épidémie et l'après. C'est la première moitié de la série qui fonctionne ainsi, chaque épisode présentant un ou deux personnages principaux. Une fois dans la deuxième moitié de la saison, on repasse à une narration linéaire jusqu'au dénouement final et son épilogue.
Théoriquement ce n'est pas une mauvaise idée puisqu'avec ce schéma on pourrait jouer avec des attentes, créer de nouvelles pistes de lecture ou encore simplement surprendre les spectateurs·trices. Sauf que dans The Stand ça ne fonctionne absolument pas. Tout simplement parce qu'on perd la progression narrative et le développement des personnages qui sont le cœur du récit de Stephen King. Ce n'est pas l'aspect post-apo le plus important dans le récit, mais ceux qui évoluent dans ce cadre. Une sensation que la série n'arrive jamais à retranscrire. Au final, on se retrouve avec un total détachement vis-à-vis des personnages. On ne se sent pas impliqué dans leurs aventures avant l'arrivée à Boulder puisqu'on sait tout simplement qu'ils y arriveront en vie et intact. De plus chacun d'entre eux n'ont pas suffisamment de temps d'écran pour créer de l'empathie. Leurs histoires nous sont racontées trop vite et toutes sur le même plan. Là où la première mini-série faisait de Nick son personnage principal et qui donc automatiquement créait un attachement à ce dernier. Ce qui renforçait d'autant plus l'impact et l'intensité de la séparation avec Tom et l'explosion de la maison d'Abigaël. Après sa disparition, on passait un peu plus de temps sur Stu pour conduire à la fin du récit, mais qui avait eu le mérite d'être introduit dès le départ. Dans The Stand, on s'en fout complètement de Nick, ainsi que de la relation avec Tom. On a deux scènes entre eux avant de voir Nick proposer son ami pour aller espionner Flagg, ce qui n'a donc aucun impact sur les spectateurs·trices, tout comme sa disparition. La faute à cette tendance de mettre tous les personnages sur le même plan, mais également d'avoir un léger focus sur Stu qui est l'un des personnages qui a le moins de choses à raconter. Stu est typiquement l'archétype du bon gars, il l'est déjà avant la pandémie et il l'est toujours après. Le seul changement dans sa vie c'est qu'il a trouvé une femme. Même s'ils ne voulaient pas mettre en avant Nick (ce qui est un très mauvais choix tant il a de choses à raconter), Larry aurait été un meilleur personnage principal puisqu'il a une réelle progression narrative. Il passe d'un égoïsme sans nom et d'une addiction à un pilier d'une communauté et d'un soutien, voir une figure paternelle à un jeune enfant en perdition. Une évolution psychologique qui par ailleurs on ne voit absolument pas à cause de cette idée stupide de mélanger les événements. Globalement avec sa structure narrative éclatée, The Stand réalise l'exploit de rendre chacun de ses personnages inintéressant. On se retrouve donc avec une deuxième partie de série qui n'a finalement aucun impact puisque globalement on s'en fout de leur destinée et de ce qui peut leur arriver. 
De même avec cette narration, on perd totalement l'aspect impactant et lourd de l'épidémie. On sait dès les premières minutes qu'un certain nombre de survivants ont refondé une communauté et que donc la société humaine a survécu. Ce qui est également dans la première partie du roman de Stephen King c'est de voir cette désagrégation de la société et de tous ses concepts qui tombent sur les différents personnages qu'on suit. C'est d'autant plus intéressant que nous suivons des personnages aux milieux sociaux et à la localisation différente. Tout au long de cette partie persiste la crainte de ne voir que la lente agonie de la société humaine. Un élément central que la série perd puisqu'elle nous donne déjà la réponse et nous dit que tout va bien, la société renaîtra. 

La série s'accorde également pas mal de changements par rapport au roman. Je le rappelle je ne suis pas réfractaire au changement et à l'adaptation. C'est même nécessaire quand on évolue sur un media différent. Néanmoins, il y a de bonnes manières de le faire et il faut que ces changements se justifient. A chaque fois que The Stand amène des modifications c'est pour le pire ou rend certaines scènes incohérentes. Parmi les petites modifications qui n'ont rien de grave, mais qui amène une incohérence d'écriture facilement corrigeable si on fait correctement et consciencieusement son travail, c'est le fait que mère Abigaël se trouve dans un EHPAD avant d'être rejoint par les survivants. Pourquoi pas. Même si je ne vois pas pourquoi on ne peut pas la laisser dans ses champs de maïs puisque de toute façon il a fallu faire un décor spécial pour l'hospice, c'est donc pas par économie de budget. Sauf que quand les personnages rêvent de mère Abigaël, ils se retrouvent dans des champs de maïs comme dans le livre. La question est donc pourquoi vu qu'elle ne s'y trouve plus. C'est minime, mais c'est un détail de cohérence qui compte. Vous voulez la laisser dans son EHPAD, faites-les rêver d'un petit jardin où les patients pouvaient se promener. Mais bon à la limite on pourrait dire que je chipote.
Mais par contre les scénaristes et réalisateurs de cette série ont rendu le récit d'une grossièreté sans nom. Tout ce qui se passe à Las Vegas est d'une vulgarité et d'une grossièreté abjecte. Ils ont mis du cul pour mettre du cul (par ailleurs avec des représentations de fantasmes masculins à la limite de la lesbophobie) et une débauche de sang sans aucune valeur ajouté. Là où dans le roman, Vegas est un peu plus nuancé avec en fait le regroupement d'une vision de la société : plus technologique, technocrate et individualiste qui en réalité affronte celle qui se veut plus simple et solidaire de Boulder (à ses débuts). Il y a des exécutions à Vegas, mais aucunement de l'esclavage ou des arènes de combat, ni même un hôtel des péchés où ça baise h24. Concernant la débauche de sexualité on est dans un schéma typique de male gaze insupportable. La série en a fait un vulgaire lieu de méchants transgressifs tiré de l'esprit d'un ado masculin de quatorze ans en ce qui concerne la violence. Ce qui renforce aussi l'immondice de la série qui ne propose finalement qu'une opposition binaire, sans aucune nuance, entre le bien et le mal. Entre la religion et le péché. Lui donnant un propos bien plus prosélytiste que le récit de King, même si ce dernier baigne dans un mysticisme chrétien assumé, mais qui propose un message qui va bien au-delà. Tout ce qui touche à Vegas est d'une horreur sans nom. Lloyd est devenu un personnage horrible et insupportable. Alors que ce dernier est sensé opéré une progression le poussant à la méfiance face à Flagg, il est ici entièrement soumis à ce dernier et son changement se produit deux secondes avant sa mort et ne sort de nul part. De toute façon c'est un personnage qui se complait dans la luxure et la débauche et à mille lieu de ce lui du roman. Le jeu de Natt Wolff (Nos étoiles contraires ; Death Note) est pour beaucoup également dans cette haine du personnage à qui il a donné un certain nombre de mimiques qui font naître une envie de meurtre. Le personnage de Dayna est également loupé de bout en bout, d'une femme forte, déterminée et intelligente dans son rôle d'espionne, on se retrouve avec une petite chose fragile et pas maligne pour deux sous. Et ce n'est pas la faute de son actrice Natalie Martinez (Under the Dome Course à la mort) qui fait ce qu'elle peut avec ce qu'on lui a donné. Ne parlons même pas de la Poubelle incarné par Ezra Miller qui se masturbe devant une explosion. Même le final est grossier puisque les éclairs divins viennent faire exploser les corps des pêcheurs et ça dure des plombes et c'est assez vilain techniquement, parce que bon une explosion nucléaire c'est trop rapide et pas assez dark. 

Vous l'avez compris : rien ne va dans l'aspect adaptation et tout ce gâchis évidemment se retrouve sur la série en tant que telle. Ce n'est clairement pas une bonne série à regarder comme telle. 
Au-delà des personnages et de la narration inintéressante, les acteurs sont malheureusement sans charisme ou tellement plombé par des rôles vides qu'aucune performance ne sort du lot. James Marsden est très bien dans le rôle secondaire de Teddy dans Westworld, mais en tant que tête d'affiche il n'arrive pas à porter la série. Peut-être qu'avec un bon rôle il pourrait dégager un certain charisme, mais ce n'est pas le cas dans The Stand. Odessa Young dans le rôle de Frannie est assez quelconque malheureusement. Amber Heard (Aquaman The Danish Girl) fait ce qu'elle peut avec une Nadine transparente et aucunement écrite avec la complexité dont le personnage mérite. Whoopi Goldberg (Sister Act ; Glee) se retrouve à faire de la figuration malgré son rôle central. Alexander Skarsgard (Melancholia The Northman) donne tout pour rendre Flagg à la fois envoûtant et terrifiant, malheureusement une mise en scène pauvre ne rend pas justice à ses efforts. Flagg devient finalement un méchant très banal et oubliable. De manière générale, la réalisation est générique au possible donnant à la série un aspect très plat visuellement. Aucun plan n'est marquant et ne reste en tête. Finalement du scénario à la réalisation, en passant par les personnages, rien n'a d'intérêt. 

Pour conclure je vais donner deux éléments un peu plus positif que l'ensemble de cette série maudite. Le premier c'est le fait de faire s'exprimer Frannie en langue des signes quand elle parle avec Nick ou même quand les autres parlent entre eux. C'est une petite touche de réalisme bien venu parce qu'il est clair qu'il ne peut pas lire sur les lèvres de tout le monde. Deuxième élément, c'est le tout dernier épisode qui a une réelle tension et une ambiance particulière et pesante. Dommage que cela arrive pour l'épilogue. Le secret de cet épisode c'est qu'il est écrit par Stephen King lui-même et tout de suite la différence se ressent. Comme c'est curieux. Voilà tout ce qui à sauver dans The Stand. 

En conclusion, The Stand est une série horrible tant du point de vue adaptation que série en tant que telle. Elle a complètement dénaturé le roman de Stephen King pour livrer un récit insipide aux faux airs dramatique avec sa narration éclatée. Les personnages, cœur du roman, deviennent des coquilles vides pour lesquelles nous ressentons aucune empathie. De plus, le récit semble être passé entre les mains d'un ado de quatorze ans qui se la joue transgressif tant The Stand est grossier et vulgaire. Les acteurs n'arrivent pas à incarner les personnages, et les plus doués ne sont pas aidés par l'écriture catastrophique et une mise en scène sans aucune originalité. The Stand est à fuir à tout prix !

Bande-annonce de The Stand !

A suivre l'adaptation comics du Fléau !

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
E
Bonjour, je suis une grande fan de STEPHEN KING, pour ce qui concerne les livres j'ai bien aimé mais en ce qui concerne l'adaptation de la série oulà j'ai eue du mal à aller jusqu'au bout tellement c'est mal joué, l'histoire est complètement à côté du bouquin. Je suis d'accord avec votre critique une grosse purge à éviter !
Répondre